Emanuel Gat, « Sunny » – Boy à la Philharmonie
Sunny, le tube de Bobby Hebb, devenu célèbre par les interprétations de Marvin Gaye et tant d’autres, nourrit et chauffe une pièce de danse lumineuse. Emanuel Gat offre beaucoup de liberté à ses danseurs, mais réussit à les souder comme dans un concert, une fête, un rite.
Musicien et chanteur, un homme suit les danseurs, de son regard, son clavier et sa voix. Il entonne ce vieux tube Sunny, mais l’étire, le malaxe, le tord dans tous les sens. Et le groupe se rassemble, se disperse, se retrouve comme s’il était connecté, par un lien invisible, aux poumons du chanteur. Dans Sunny, danse et musique fusionnent comme un seul organisme sans que l’on sache quelle partie guide l’autre.
Mais lui aussi sait évoluer. Pour la première fois, Gat crée une pièce où la musique est jouée live, face aux danseurs. Il avait toujours redouté une telle rencontre sur le plateau puisque, dans son travail, les interprètes tissent des relations intenses entre eux et interagissent, avec une certaine liberté, selon un code secret. De là ils tirent leur énergie, de là surgit la dynamique. Y reste-t-il une place pour une autre énergie, une autre influence ?
Il fallait les retrouvailles avec le compositeur et musicien Awir Leon pour que Gat se libère de ses appréhensions. Ce chercheur sonore n’avait finalement pas trop de mal à convaincre Gat, puisque les deux se connaissent bien. Awir Leon est un nom d’artiste, celui de François Przybylski, qui n’est autre que l’un des principaux danseurs de la compagnie d’Emanuel Gat. La moitié de ceux qui dansent dans Sunny ont partagé le plateau avec Przybylski qui est aujourd’hui un créateur de renom dans la scène électro.
Et si c’est un danseur qui se cache en Awir Leon, il n’est pas sans importance qu’Emanuel Gat a débuté son chemin dans le monde des arts en étudiant l’analyse musicale. Son but, à l’époque : devenir chef d’orchestre ! Et c’est ainsi qu’il dirige ses interprètes sur le plateau, sauf que ceux-ci évoquent plutôt un ensemble de free jazz qu’un orchestre symphonique.
On sait donc d’où vient le lien si organique entre les danseurs et Leon. Mais d’où viennent ces incroyables costumes, dignes d’une rêverie exotique, d’une cérémonie shamanique ou d’un carnaval latino-américain ? C’est là aussi une nouveauté dans l’univers de Gat chez qui les relations entre les danseurs étaient toujours directes et immédiates, sans isoler une seule personne du groupe.
Sunny, créée au festival Montpellier Danse en 2017, est de la danse pointue pour tous, humaine, sensible et fascinante. Invitée par la Philharmonie de Paris et le Théâtre de la Ville, cette nouvelle création d’Emanuel Gat, l’un des chorégraphes contemporains les plus constants et pertinents, est présentée à la Cité de la Musique.
Thomas Hahn
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